Interdire la radio à Haifa Wahbi et ses soeurs ?

Comment une starlette libanaise qui est à la chanson ce que le mlawi est à la gastronomie parvient-elle à être aussi populaire dans un pays comme le nôtre ? Ses tubes diffusés par nos radios représentent autant de temps d’antenne perdu pour la chanson locale de Tunisie.

Haifa Wahbi, c’est un peu comme les yaourts. Il est aussi difficile de rater l’un de ses clips que d’éviter un de ces spots de fils de pub consacrés à notre tube digestif. Sauf qu’en plus, Haifa est soutenue par le rouleau compresseur et les chaînes musicales des milliardaires du Proche-Orient.

Si Haifa Wahbi fait scandale, et peut paraître affriolante dans les pays du Golfe, on ne comprend pas que ce soit le cas en Tunisie, où la femme jouit d’un statut à des années lumières de celui de ses sœurs du Moyen-Orient. L’étalage des appas de ces starlettes parait irrésistible dans des régions où le beau sexe est invisible sauf sous une burqa. Des pays où les filles en maillot qui se trémoussent sont un rêve inavouable et coupable, mais une réalité banale en Tunisie, où les burqini ne courent pas les plages. Les clips de Haifa Wahbi et de ses petites sœurs représentent donc une soupape psychologique, un dévidoir à fantasme dans des Etats où toute forme de mixité est interdite. Mais quid de la Tunisie ?

Le prototype de la chanteuse de variétoche libano-égyptienne doit avoir des allures de femme-enfant, aguicheuse. Qu’on ne s’y trompe pas. Ce n’est pas pour rien que les clips mettent en scène des filles aux allures adolescentes, avec des tresses, et en uniforme d’écolière. Les réalisateurs virtuoses accrochent les téléspectateurs du Golfe en misant sur leurs frustrations qui engendrent des désirs fantasmatiques aux frontières de la perversité.

Au final, des clips pas loin de la parodie burlesque. Des images frisant le ridicule, une caricature de la Lolita de Nabokov. C’est que la bimbo délurée en nuisette vaporeuse fait des gorges chaudes dans les rigoureux pays du Golfe. Mais chez nous, que peut-elle représenter ? Son succès est-il dû à un réel engouement populaire ou au matraquage médiatique ? Comment arrivent-ils à nous fourguer ces images kitschissimes, d’un mauvais goût revendiqué et affiché ?

Le problème, c’est que ces chansons boudourous bénéficient du relais de nos stations FM, qui, (a priori du moins), n’ont rien à y gagner. Pas de contrat de sponsoring, encore moins de concerts sur lesquels nos stations ont des royalties à glâner. Et pourtant, on nous gave de Haifa et de ses petites sœurs du même acabit en petites tenues.

A la limite, les téléspectateurs tunisiens qui tombent sur les libaniaiseries en froufrous et en dessous chics ont le choix de zapper, ou de regarder ailleurs. A défaut de fermer les yeux. Mais qu’en est-il de l’invasion de notre propre bande FM tunisienne ? Est-il normal, quand on tourne le bouton de la radio, d’avoir les oreilles systématiquement envahies du bom tchac boum made in Beyrouth ? Un problème d’autant plus épineux que les oreilles n’ont pas de paupières ! Et au final, ces tubes diffusés en permanence représentent autant de temps d’antenne perdu pour la chanson locale, non reconnue par les radios de Tunisie.

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